Rencontre avec Emmanuel Pierrat

Rencontre avec Emmanuel Pierrat

Emmanuel Pierrat me reçoit dans un grand bureau ovale dans un quartier chic de Paris, je m’imaginais déjà stagiaire à la Maison Blanche ; le bureau comprend des objets d’art divers, une série de grandes fenêtres, il me reçoit en retard car son associée est partie accoucher et il me promet qu’on ira déjeuner ensemble une prochaine fois. L’intimité du bureau, pour une première fois, c’est pas plus mal.

Déboussolant cet homme, je ne sais pas par quel bout le prendre ; le bout de la lorgnette ? Ce serait trop banal, le bout qui bout ? Mais il bout de partout ce type ! C’est un avocat, c’est un provocateur, c’est un militant, c’est un amoureux des hommes comme des femmes, c’est un collectionneur amateur d’arts, et j’en ai oublié, le genre d’homme qu’on apprécie beaucoup ici au Mague... Et si je commençais par dire que c’est un homme charmant, d’origine Mba (une tribu Namibienne matriarcale) plutôt typé Europe du Nord, on sent déjà la complexité ? Respirez un grand coup, soyez prêts à tout, vous êtes majeurs ? Lisez l’interview.

1) Pouvez-vous vous présenter à nos lectuers qui ne vous connaissent pas encore ?

Emmanuel Pierrat, touche à tout mais pas de génie [1], avocat, éditeur, écrivain, journaliste, prof à la fac, je milite pour le mariage gay, la dépénalisation du Canabis, les trans, je suis un collectionneur acharné d’art africain, de livres érotiques, d’objets érotiques africains (on peut combiner), de livres sur la drogue, de photos contemporaines, on me demande souvent des objets pour les musées, des pipes à opium par exemple…

JM : excusez moi l’idée d’une pipe me perturbe

EP : vous pouvez, c’est une grand famille, les pipes, l’érotisme…

(là, y’a un blanc curieux dans l’enregistrement mais je vous raconterai ça une autre fois, même si Emmanuel Pierrat est plus jeune et charmant qu’un certain Bill, je suis restée sur mon idée de petite maison blanche tout ça)

J’M : et là vous avez un livre érotique ?

EP : oh non c’est pas très érotique, c’est Helmut Newton avec un femme à poil sur la couverture ; j’ai beaucoup plus trash quand même !

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Très à cheval sur l’érotisme

2) Vous rejoignez Linda Lemay quand elle dit que c’est plus facile de changer de sexe que de prénom ?

EP : ouais, (rire) sachant que j’arrive encore à savoir de quel sexe je suis, je suis un garçon, je ne suis pas trans mais pour l’identité sexuelle, j’aime bien les flous. C’est parfois compliqué de changer de genre, je suis à la fois un avocat sulfureux et je dois censurer des textes toute la journée, j’apostrophe mon batonnier avec la sodomie, je parle de cul tous les lundis lors de l’émission de Brigitte Lahaie sur RMC.

J’M : et la zoophilie alors ?

EP : c’est intéressant mais c’est tabou, une fois je l’ai abordé, c’était en télé, c’est la seule fois de ma vie où j’ai été censuré, en direct ! La régie a carrément passé un écran de pub en plein milieu de mon intervention. Je ne disais rien d’exceptionnel, je faisais une comparaison de juriste. Le crime dit de « bestialité » n’existe plus en France depuis longtemps, mais on est poursuivi pour « sévices et actes de cruauté » et moi j’ai une théorie qui consiste à dire que sur une poule, je suis d’accord mais sur un âne non ; ça dépend de la taille de l’animal et de son orifice. S’il ne souffre pas, je ne vois pas le problème.

EP : oh lala, j’ai grossi ; c’est parce que j’ai mangé trop de « poulets télévisés » en Afrique ; vous savez ce que c’est ?

JM : non mais euh, j’étais plutôt venue parler de cul moi

EP : bon, les poulets byciclettes passent leur journée à courir et sont nourris par ce qui tombe des bicyclettes donc ils sont très maigres. Les poulets télévisés, ils sont bien nourris et cuits derrière des baies vitrés, à la broche, ils sont "à l’écran", d’où leur nom

JM : faites gaffe, je vais finir intelligente ; vous êtes le premier qui détourne la conversation comme ça

3) Moi je voulais qu’on parle de poissons et vous me parlez de poulets ; vous savez « la mer c’est dégueulasse, les poissons baisent dedans » ? Pourquoi vous les voulez « panés » ?

L’histoire de ce roman [2] c’est l’histoire de deux sœurs jumelles qui abandonnent le chalutier familial parce qu’on ne trouve plus de poissons à cause de la pêche industrielle et décident de monter à Paris pour découvrir leur véritable sexualité, notamment parce qu’en lisant la presse bobo parisienne, elles avaient l’impression que la partouze était super à la mode partout et que le SM se pratiquait en pleine rue. Mais la seule chose qu’elles connaissent vraiment sur la sexualité, c’est celle des poissons.

JM : ils baisent beaucoup les poissons ?

EP : sous l’eau ? C’est une partouze infernale ! Entre les poissons hermaphrodites, ceux qui se reproduisent tout seul, ceux qui se pénètrent, etc…

(suit un cours passionnant sur la sexualité des poissons avec un point d’orgue sur le pénis de 1m50 des baleines qui ont un coït de 7 secondes. Alors que je suis désespérée de n’avoir jamais vu un pénis d’Esturgeon, il me propose de lire Sexualité et reproduction des poissons au CNRS)

4) D’autres anecdotes sur le livre ?

Je n’ai mis que des noms de personnes que je connais personnellement, des ex pour l’essentiel. Sauf l’héroïne qui porte le nom de ma mère.

J’M : Vous avez affecté les bons noms aux bons sexes ?

EP : ben non ! Evidemment ! Mais tout le monde s’est reconnu. J’ai recasé une ex en mère maquerelle à l’adresse exacte du cabinet d’un grand directeur de collection littéraire, je me suis amusé quoi.

JM : vous n’allez pas vous faire d’ennemis ?

EP : non, j’ai l’habitude ! Mon boulot, c’est toute la journée de censurer, de caviarder les romans ou les essais pour éviter les procès en diffamation. Moi ça me gonfle donc dans mes écrits, y’a que des vrais noms, de gens qui existent, que je mets dans des situations improbables.

JM : donc quand je vais raconter sur mon blog qu’on a couché ensemble, je pourrais prendre votre vrai nom ?

EP : oui, tout va bien mais je raconterai que vous étiez un mauvais coup.

JM : du moment que je reste une experte en pipes.

5) Veuillez compléter les phrases suivantes :

- elle était maquillée comme une pute

- jamais deux fois sans essayer une troisième

- l’amour c’est réel

- le réveil sonna et j’avais encore la gaule comme chaque matin

- le sexe a ses lois qui font ma prospérité

6) on va revenir à des trucs sérieux : le sexe et la loi. Que pensez-vous de la façon dont l’état se mêle de l’intimité ?

Ce que je pense de l’intrusion de l’état dans ma sexualité ? mais qu’il me fait chier ! Très sincèrement ! Mais bon, en tant qu’avocat, je m’en réjouis ! Mais le citoyen qui est en moi, très enfoui sous l’avocat, est inquiet.


Ca a toujours été un sujet de préoccupation de l’état depuis le debut du droit ! Après on peut s’intéresser à la publicité de l’acte sexuel, aux positions, à l’homo ou l’hétéro sexualité, etc… ça varie, comme l’âge de la majorité sexuelle.

Quand on me dit « c’est le retour de l’ordre moral », je leur dis « c’est pour vous, parce que votre sexualité est visée », ce qui est plus ou moins pénalisé varie, c’est tout. L’idée d’une sexualité de plus en plus libre n’est qu’une illusion…

Tenez, au stade où on en est, un personnage pédophile dans un roman ou un film, même « très moral » avec une fin « bien comme il faut », est censuré.

Aujourd’hui, les personnages de littérature sont sensés se conformer à la loi, Luky Lucke ne fume plus, Navaro met sa ceinture avant de foncer à 180km/h, tout le monde est devenu légaliste dans la fiction. Lolita aujourd’hui ne serait pas publiable. Des livres n’ont plus été réédités récemment alors qu’ils l’étaient depuis 30 ans car les éditeurs avaient des craintes juridiques.

Je passe mon temps à réécrire les romans. Quand le héros a une histoire d’amour avec une gamine de 14 ans, je lui mets 15 ans à la gamine ! Pour qu’elle ne soit pas mineure sexuellement ! Me dîtes pas qu’on a avancé parce qu’il y a des affiches de femmes nues avec un air salace !

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Il met le doigt dessus

Suit une grande discussion passionnante sur la littérature érotique d’où il ressort qu’un bon livre érotique est un sex toy et que « l’industrie du sexe et du poisson pané » est un livre qui ne parle que de cul mais pas un livre érotique

7) Que pensez-vous des narcissiques et des mégalos ?

Beaucoup de bien. Je suis très narcissique et très mégalo mais je trouve pas que ce soit des défauts. Tout cela est justifié, je suis un surdoué. (rires) La mégalomanie, le mégalodon (qui était le plus grand des requins).. on en revient toujours aux poissons

8) Vous êtes poisson ?

Non, je suis Vierge. Et singe pour les Chinois. Mais je serai réincarné en sirène vous inquiétez pas.

9) Pourquoi êtes vous contre le mariage ?

C’est une institution réactionnaire, inégalitaire… il a fallut attendre 1975 pour que la femme ait ses droits ! Mais en tant qu’avocat, c’est bien, c’est un bon Business. Le mariage se termine souvent en divorce. Puis, c’est une arme juridique intéressante, d’où le fait que je me suis occupé des mariés de Bègles.

10) Le mot de la fin ?

A votre disposition pour un autre entretien…


Ecoutez la version AUDIO de cet entretien



Voir un entretien vidéo avec Emmanuel Pierrat chez nos amis du litteraire.tv


Merci.

J’M.

Pour acheter l’industrie du sexe et du poisson pané

Pour suivre d’autres rencontres de notre reportrice prête à donner de sa personne, pour la qualité des articles du Mague, cliquez ici.

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