Interview : Jean-Pierre Mocky

Interview : Jean-Pierre Mocky

11 heures du matin, Jean-Pierre me file rencard quai Voltaire, à son bureau. Genre plutôt austère : une table, deux chaises. Il m’explique que c’est pour faire la nique aux huissiers s’ils déboulent ! Ca ne m’étonne pas venant de ce vieil anar ! Il marche de long en large en me parlant de sa salle de cinéma parisienne, le Brady, moi j’enclenche le magnéto :


Quel style de clientèle fréquente ton cinéma, célèbre pour sa programmation de films gores et de série Z ?

C’est un public assez étrange, généralement des célibataires, hommes et femmes, qui n’ont visiblement pas la télé et aiment ce style de cinéma. Le plus souvent ce sont des Noirs, des Indiens, des Arabes, des Kurdes, des Chinois. Bref, toutes les religions y sont représentées, ainsi que les prostituées du quartier et les balayeurs de rues qui le fréquentent également. On y projette surtout des films de séries B, des films fantastiques avec des titres ronflants du genre "Massacre à l’épluche légume", mais aussi des films avec De Niro et évidemment un de mes films de temps à autre. C’est très varié. Pour vous dire un jour comme spectateurs dans la salle il y avait Tarantino d’un côté et de l’autre un SDF venu y passer la journée pour être au chaud ou pour dormir.


Tu fais généralement des films à petits budgets. Que penses-tu des grosses productions françaises ?

Avec un budget équivallent à celui du "Hussard sur le toit" je fais quinze films. Le résultat, c’est que Rappenau avec "Le hussard" et Poiré avec "Les visiteurs" se sont litéralement plantés aux Etats Unis... Alors était-ce la peine de filer autant de pognon pour un succès qui se limite au sol français ? Vu le nombre de gens qui crèvent de faim en France, jamais je n’aurais accepté de claquer autant de fric pour un film. Le budget de la culture est devenu un vrai gouffre, comparable à celui de la sécu.

On dilapide l’argent par copinage, par snobisme. Moi, en quarante ans, j’ai touché un million d’avance sur recette et à côté de ça, Ariel Zeitoun qui est de la famille des magasins Tati, arrive à prendre sept ou huit millions en cinq-six ans. Tout comme Roger Hanin qui, considérant sa vie plus importante que celle de Pasteur ou des frères Lumière, reçoit de France 2, chaine publique, deux milliards pour produire une auto-biographie sur le dos de l’Etat. Alors que tout le monde s’en fout de sa vie, tout le monde a une vie intéressante et personne n’emmerde le monde avec. Surtout que sa carrière aurait été différente s’il n’avait pas été le beauf’ de Mitterand, alors Président. Mais bien sûr il se gardera d’aborder le sujet, le plus intéressant....

Tu sembles pessimiste sur l’avenir du cinéma francais...

Je pense qu’il est en tain de crever... Quand tu manges, tu as peur de crever avec la vache folle, quand tu baises, tu crains le sida. Maintenant, quand tu fais du cinéma, c’est pareil, tu crèves de peur que ça marche pas à cause des gros monopoles qui t’assomment. L’importance du film se mesure au pognon qui est en jeu. Plus il y a de battage sur une merde, plus les gens sont persuadés que c’est pas une merde !! Les producteurs de films n’aimemt que gagner du fric, peu importe le film.

Ils n’ont plus de morale ou plutôt plus d’éthique, car la morale je me la fous au cul.


Tu as des amis dans le métier ?

Des gens comme Claude Berri me détestent alors qu’ils ont mes films en DVD. Michel Blanc et Gérard Jugnot me haïssent alors qu’ils ont été fans de mes films et qu’ils s’en sont inspirés. Mais j’ai aussi des amis sincères.

Toujours aussi remonté contre l’église, le Pape et toute sa clique ?

Moi le pape j’ai jamais pu l’encadrer depuis sa conduite sous l’Occupation. Et aujourd’hui ça continue avec le Rwanda, le Sida, l’avortement... Depuis toujours l’Eglise profite de la crédulité des gens, mais en sens inverse, elle n’aide pas les pauvres. Il faut que ce soient les Restos du Coeur ou les chiffonniers d’Emmaüs, presque des laïques, qui s’y collent. Pourquoi leur filent-on des subventions alors qu’ils ont plein de pognon ? Tu files ton fric et eux, prêtres, cardinaux etc...vont se faire tailler des pipes dans des bordels comme le Cardinal Daniélou qui est mort dans un boxon.

C’est terrifiant ce qui se passe dans les églises, c’est infesté de pédophiles et de toute façon c’est des gens qui sont obligés d’éjaculer d’une façon ou d’une autre. C’est pas parce qu’on est prêtre qu’on éjacule pas. En clair faudrait leur couper la bite !


Philippe Noiret qui devait prochainement tourner avec toi vient de disparaitre, tu as peur de la mort ?

Non j’ai uniquement peur de la maladie, du Sida, du cancer. Des gonzesses j’en ai eu plus de 800. J’étais père de famille à 14 ans, mais aujourd’hui on a peur de foutre sa bite dans un cul parce qu’il y a peut être la mort au fond. Alors je suis obligé de mettre des capotes. Si je suis bien disposé ça va, sinon je débande et dans ce cas là j’attends de rebander, avec cette capote qui pend lamentablement... Je la baise, le sperme reste dans le réservoir et j’ai l’impression de sortir d’un laboratoirs après une analyse d’urine !

En plus, elle n’a peut être pas joui. La capote, c’est fait pour les jeunes qui bandent vif.