Le mythe de Déméter ou la créatrice, la préservatrice, la créatrice, revu par Boston Teran

Le mythe de Déméter ou la créatrice, la préservatrice, la créatrice, revu par Boston Teran

Trois femmes est le quatrième roman d’un auteur américain dont on ne sait pratiquement rien, si ce n’est qu’il est né dans le Bronx de parents d’origine italienne et vit en Californie. Un livre écrit par un américain mais pas encore publié aux Etats-Unis, l’auteur a envoyé directement le manuscrit à l’éditeur français.
Pourquoi ? Peut-être tout simplement parce que ce visionnaire lance un cri d’alarme : ce qu’il s’est passé dans les années 60 aux Etats-Unis n’est-il pas en train de se reproduire ici en France ?

Le livre :

Des années 50 aux années 70, l’Amérique bascule dans la violence et le racisme, la guerre du Vietnam se profile à l’horizon, la police est de plus en plus corrompue, la drogue est dans la rue, les premiers tags apparaissent dans le métro et la musique prend un tournant radical. Le Bronx est la quintessence de ce qui arrive au pays.

Trois femmes, au cours de cette période, vont vivre dans ce district de New York des expériences tragiques, représentatives de ce changement global.

Tout d’abord, Clarissa l’Italienne catholique, battue par son mari, un pauvre type macho, dealer, violent et incontrôlable qui meurt sans avoir pu s’en sortir. Clarissa, soumise à son destin aura eu la chance et le temps de confier sa deuxième fille, Eve, à Fran, une immigrée Allemande arrivée aux Etats-Unis après avoir été victime de la barbarie nazie.

Fran va enseigner à Eve le langage des signes et l’aider à utiliser l’appareil photo qu’elle lui offrira.

Et puis, il y a Eve. Eve qui porte le prénom de la première femme. Eve qui est née sourde et muette. Eve qui a un œil exceptionnel et qui, malgré son handicap, va réussir à ébaucher un semblant de vie heureuse jusqu’à ce que son amant black soit tué par un dealer vindicatif.
La boucle est bouclée. Le même schéma de violence absolue se reproduit. Pour ces hommes « tout est toujours de la faute des femmes ».

Jusqu’au bout, on se demande qui va survivre à défaut de vivre ? Le bon ou le méchant ? Et où se situe la frontière du bien et du mal ?

Trois femmes est une œuvre importante parce qu’elle nous incite à réfléchir à ce qu’il se passe actuellement autour de nous. De son écriture âpre et lyrique, Boston Teran nous montre que quoi qu’il arrive le monde continue de tourner alors que le mal prolifère en toute impunité.

Trois femmes est un plaidoyer contre l’injustice qui accable les faibles de ce monde -femmes, handicapés, Noirs- et contre la corruption à tous les échelons du pouvoir. L’orgueil de certains hommes entraîne parfois des mensonges, la lâcheté des proches qui préfèrent se taire et ne rien faire et un laxisme raciste.

Cela ne vous rappelle rien ?

Boston Teran a reçu le prix John Creasey du meilleur premier roman en Angleterre le prix Calibre 38 en France pour Satan dans le désert. Il a d’ailleurs été aussi finaliste des Edgar aux USA et encensé par la critique pour ce même livre. Dennis Lehane, auteur de Mystic River voit en lui l’héritier de Jim Thompson.

Le réalisateur Nick Cassavettes et le producteur Kimmel Entertainment ont récemment pris une option sur l’achat total des droits pour l’adaptation cinématographique de Satan dans le désert. D’autres producteurs s’intéressent actuellement à un autre de ses romans, Méfiez-vous des morts.

Trois femmes, Boston Teran, Le Masque

* traduit de l’anglais (Etats Unis) par Frank Reichert. Ses notes m’ont aidé à élaborer cette chronique. Merci à lui.