Polar, un artiste hors norme

Polar, un artiste hors norme

Polar est artistiquement apparu au milieu des années 90. Seul sur scène avec une guitare, il était littéralement un A.E.N.P. (Artiste Echappé de Nulle Part). Personne ne misait sur ce chanteur atypique et inclassable. Le temps est loin où il bidouillait son premier album, tard dans la nuit, dans sa cuisine.

Le voici qui réapparaît avec son quatrième album, totalement écrit en français. Cali a plébiscité ce jeune artiste bien avant tout le monde, Miossec a écrit pratiquement tous les textes de Jour blanc.

Polar, c’est un homme à part. Polar, c’est encore mieux que cela. Place à ses mots :

1. Bonjour Eric. Vous avez la réputation d’être un artiste angliciste et vous chantez maintenant en français. Pourquoi ?

Je ne pensais jamais chanter en français... la langue « officielle » dans ma famille est l’anglais... J’ai passé mes 10 premières années à Carlow, une petite ville du sud de l’Irlande... Ma culture musicale est anglophone... Les artistes qui m’ont marqués sont Neil Young, Nick Drake, Tim Buckley, Dylan... Pour moi, la langue du cœur, de l’affect, est l’anglais... Le français, je l’ai appris à l’école... En fait, la question de la langue est une chose complexe pour moi... Ma mère est irlandaise, mon père suisse allemand, j’ai vécu en Irlande et à Genève... Quand on écrit des chansons... je crois qu’il ne faut pas trop réfléchir... il faut laisser les choses sortir toutes seules... quand je fais ça... j’écris en Anglais...

L’idée de chanter en français est venue des autres, je dois l’avouer. Ces personnes m’ont ouvert des portes... je me l’étais un peu interdit... je ne voyais pas le chemin... mes proches me l’ont montré...

2. Alors qu’habituellement, vous êtes l’auteur de vos chansons, pour Jour blanc vous avez cédé la place à Christophe Miossec. C’est vous ou lui qui avez émis cette idée en premier ?

L’idée est venue de Christophe... Il aimait mes deux premiers albums (« 1 », « Bi »)... Plusieurs fois après des concerts, il me disait « Pourquoi ne chantes-tu pas aussi en français ? » Je lui répondais « C’est pas mon truc ! »
« Je n’ai pas encore eu le déclic... » Un jour, il m’a répondu « Et si je t’écrivais des textes, tu les chanterais ? » Je ne pouvais que répondre oui... Je connais la force de sa poésie...

3. Quelle a été votre méthode de travail ?

En acceptant sa proposition... je lui ai posé une seule condition : je ne veux pas recevoir ces textes par mail ou fax... Je voulais être là quand il les écrivait... Je l’ai invité à me rejoindre dans une maison près de Lausanne en Suisse. Une magnifique bâtisse en pleine campagne... Une maison chargée d’histoire, Hemingway, Faulkner, Nabokov. Miller, Picasso y venaient en vacances... Les murs étaient chargés d’histoire. Mon idée était de faire un huis clos... deux semaines de rencontre... Je ne pouvais pas être étranger à ces textes... Je veux dire par-là, que lorsque je chante à la première personne... c’est bien moi... Pour ce faire, il m’a alors proposé que je lui raconte dans le détail les chansons de mes deux premiers albums... Je pense qu’il les savait très intimes... Il savait que ça déclencherait des confidences... Dès la première écoute/explication on s’est plongé dans mon univers... Il écoutait, pianotait sur son ordinateur portable... fumait une cigarette... pianotait encore... réagissait avec sa propre histoire... Très vite la gène est tombée... on a vécu un moment fort...

4. Mais au fait, quel a été votre parcours jusqu’à présent ?

Je ne me destinais pas à la musique ... En effet, jusqu’à l’age de 20 ans, j’étais sportif d’élite, membre de l’équipe suisse d’athlétisme... Plusieurs fois champion national sur 800m... Ce n’est que très tard que j’ai osé me concentrer sur ma musique...

A 24 ans, je sortais mon premier album « 1 », enregistré dans ma cuisine de Genève... et ce pendant 10 nuits... de 2h à 5h du matin...qui étaient les seuls moments de calme dans ma rue...

Plus tard, j’ai sorti un album « Bi » combinant folk, ambiances électroniques et pop, il sort en 1998... Il est enregistré dans un chalet à 1200m d’altitude, 4 semaines d’écriture/ enregistrement... entouré de paysages enneigés... de montages grandioses... C’était un rêve de toujours que de faire une telle expérience. En 2002, sort « Somatic », un album cette fois-ci, enregistré dans un immense château sur le Léman... Des 50 pièces, nous en utilisions que deux... le reste était là pour les déambulations réflexions... Parallèlement, j’ai sorti plusieurs maxi vinyles... de la musique électronique... plutôt expérimentale... une sorte de laboratoire sonore. En 2002, je collabore aussi avec un groupe de 7 handicapés mentaux... Nous avons monté un spectacle... ils jouaient... chantaient... une magnifique expérience... unique... qui ne m’a pas laissé indemne.

5. Si vous deviez choisir des chanteurs français pour vous former une famille, qui prendriez-vous ?

Miossec, Cali, Dominique A, Abd Al Malik, Da Silva, Joseph D’Anvers... avec les trois derniers, le 1er octobre à Lausanne, je monte un projet de concert spécial ... la radio nationale me donne carte blanche...

6. « Le brasier » seul titre de l’album dont vous êtes l’auteur est déjà diffusé sur plusieurs radios. Etes-vous surpris par l’accueil qu’on réserve à votre album ?

Oui... on ne sait jamais trop comment les gens vont accueillir un album... Je reste toujours très prudent... Je me protège... C’est vrai que pour la première fois, avec le single « Le Brasier », j’ai une chanson qui passe sur beaucoup de radios... C’est énorme d’entendre sa chanson à l’antenne... Je me souviens du moment de l’écriture... de cet instant, de la personne à qui je pensais... le feu de forêt, le danger... et au bout, 550 hectares de forêt anéantis... Tout ça resurgit à l’écoute de ce titre...

7. « Au verso de ce monde » Ce texte d’Elsa Triolet a été chanté auparavant par Jeanne Moreau. N’est-ce pas difficile d’interpréter un texte écrit par une femme (notamment « je me sens seule ») et portant encore l’empreinte de la si célèbre Jeanne ?

J’aime bien l’idée de chanter une chanson qui à l’origine était interprétée par une femme... Les hommes devrait plus le faire... C’est une bonne thérapie... J’ai d’ailleurs aussi chanté « Le pull marine » de Adjiani/Gainsbourg... J’aime bien cet exercice. « Au verso de ce monde » est la première chanson que j’aie chantée dans la langue de Molière... C’était lors d’un hommage à Bruxelles à Jeanne Moreau... Elle était dans la salle... Lors des applaudissements, elle est montée sur scène pour me féliciter... Elle m’a pris dans ces bras et m’a embrassé... Ces encouragements ont été un déclic.

8. Chez vous les roses sont des épines et pas des fleurs. Où vous sentez-vous le plus chez vous ?

Aujourd’hui, je ne veux plus donner une image floue... Je veux avoir une position franche et claire... J’ai aussi de sales côtés... Je ne le cache plus... Je ne me le cache plus...

9. Vivre ensemble n’est pas si simple, c’est ce qu’il ressort de votre album. La communication homme/femme, est-ce si difficile ?

Oui, ce n’est pas simple... C’est un gros travail de part et d’autre... Les hommes : on doit arrêter de se comporter comme des loups... Les femmes : ne plus se laisser faire... être plus fière... je le chante dans « Epine »... Je me prends cette chanson dans la gueule, à chaque coup... Elle me permet d’avancer... C’est ce que la musique m’a toujours apporté... Quand j’oublie comment parler... je chante...

10. Et bien Polar à la fragrance si particulière, je vous laisse le mot de la fin...

Il faut savoir dire merci... Ce disque « Jour Blanc » n’existerait pas sans Miossec et Cali... sans leurs encouragements... sans leur engagement... Je leur dois beaucoup.. Je leur dis merci... Merci de m’avoir ouvert cette porte.

Jour Blanc, Polar, Labels, Virgin Music, EMI

Site officiel de l’artiste