Pour qui connaît Bruno Beausire, Doc Gynéco à la scène, le gag est irrésistible. Il fallait au moins un homme qui connaît le pays comme notre infortuné et informé ministre de l’Intérieur, pour établir un tel diagnostic : après les Mau-Mau pour Malcolm X, ce qu’il faut à Sarko, c’est Doc Gynéco ! Ils doivent rigoler, les chiraquiens des RG qui lui ont conseillé l’ex membre du sulfureux groupe de rap Ministère AMER comme attrape-bronzés.

Dès son premier album solo, son seul succès, le magistral « Première consultation », en 1996, Gynéco s’était démasqué : « Classez-moi dans la varièt’ ». Pas dans le rap. Il a même tout fait pour que l’idée de l’enrôler ne vienne à personne : joints, rhum, obscénités, coma furtif, énumérations publiques de ses conquêtes connues (fais gaffe à Cecilia, petit Nico, Gynéco aime les « bourges de droite », il l’a dit à Elisabeth Guigou)... Mais Sarko, il sait toujours mieux que tout le monde - demandez à Thuram.

« Fais gaffe à Cecilia, petit Nico, Gynéco aime les « bourges de droite », il l’a dit à Elisabeth Guigou. »

« De Sarcelles à l’ENA, j’ai pas vu ça... », rappaient jadis les compères de Gynéco. Sarko, lui, son credo, c’est qu’on peut passer de Neuilly à Paris - Neuilly, où le maire, en préférant l’amende au quota de logements sociaux, est le seul hors la loi, le seul rebelle ! A force de croire tout ce qu’on lui dit sur les Noirs - « Curieusement, les Noirs sont plus violents que les Arabes...en particulier les Congolais et les Ivoiriens, pour des raisons culturelles. » (Gri-Gri n°44, 1° décembre 2005) -, l’erreur de l’adepte-de-la-continuité-balladurienne-en-1994-et-de-la-rupture-aujourd’hui était fatale. Gynéco ne représente pas les Noirs. Mais l’idée que Sarkozy se fait des Noirs. Il en a marre, le Buddha blanc, que la France fasse repentance, mais là, il tend la bâton et ses petits flancs roses. Il faudra payer pour cette faute politique, médiatique et analytique majeure. Pauvre Sarko. Après sa femme, c’est son instinct qui vient de le tromper. A moins que ce ne soit son malicieux rejeton, celui qu’il a eu d’un premier lit, avant de piquer Cecilia à Jacques Martin... Celui que toutes les rédactions parisiennes traquent dans les maisons de disques, depuis qu’on leur a dit, tenez-vous bien, qu’entre deux discussions avec des nationalistes corses, il écrirait des raps enfiévrés... et serait même signé en contrat sur le label de l’ex NTM, Kool Shen !

On a compris : Joe Dalton ne veut pas être Président de la République : il veut être star. Comme Ségolène Royal. Aux experts, aux barons de son parti, aux zélés fans, il a préféré une vieille gloire du rock à la peau tirée comme une conséquence inévitable des ravages de l’âge, et une poupée médiatique qui n’excite plus que les journalistes... Sarko-Ken et Barbie Black.

Ce doit être pour ça que d’aucuns, à droite, à gauche, et aux extrêmes droite et gauche, commencent à pronostiquer un second tour encore plus inédit que celui de 2002 : Jospin VS Le Pen. Ce second tour auquel nous n’avons pas eu droit il y a cinq à cause, si l’on en croit les socialistes, à cause d’un(e) autre Noir(e) : Christiane Taubira.

Grégory Protche (in le Gri-Gri n°57)