Emilie Poucan et Philippe Carlin

Emilie Poucan et Philippe Carlin

Emilie Poucan et Philippe Carlin ont uni leurs talents et leur humour corrosif afin de produire chez nos amis Marseillais de "L’écailler du Sud" un roman dans la lignée de "Je hais les acteurs" mais adapté au monde, très médiatisé, du Sport. Cela donne, vous l’avez compris "Je hais les athlètes", un polar truculent écrit, à quatre mains, dans lequel se déroule un meurtre dans le milieu du Sport Spectacle.
Un bien beau duo rejoint au micro par Cali Rise pour une "triangulaire" journalistique très sympathique.

1. Bonjour Emilie, bonjour Philippe. Emilie, vous avez été attachée de presse à la Fédération française d’Athlétisme et vous, Philippe, un grand reporter des sports au Figaro. Ce sont des métiers éprouvants ?

EP : Avoir un métier éprouvant, c’est travailler en usine ou dans des conditions difficiles... Etre attachée de presse de la Fédé d’athlétisme, ce n’est pas facile tous les jours mais on ne peut pas dire que ce soit éprouvant. Passionnant, plutôt.

PhC : Physiquement, un reporter sportif dort peu. Sur un événement comme des Jeux olympiques, où l’on commence à monter en puissance une semaine avant l’ouverture, on dort 4 à 5 heures maximum par nuit durant une vingtaine de jours. Mentalement, on doit trouver des « angles » chaque jour, on est sur la brèche en permanence, on doit être réactif, et il se passe toujours quelque chose d’imprévu. Alors oui, c’est éprouvant. Et en même temps, c’est terriblement excitant. A l’arrivée, comme pour toute expérience, seuls les meilleurs moments demeurent en mémoire.

2. Pourquoi avoir choisi Philippe et pourquoi avoir choisi Emilie pour écrire ce livre ?

EP : On s’est « trouvé » plus que choisi... Ca faisait un moment qu’on correspondait par mail et qu’on s’était rendu compte qu’on était sur la même longueur d’onde côté humour. Car c’est vraiment fait pour rire au départ.

PhC : Si elle me laisse le cynisme, Emilie partage mon sens de l’humour, du recul et de l’autodérision. Je l’avais connue lorsqu’elle était encore journaliste de sport, (sur Sport FM si je me souviens bien ?), et dans nos relations attachée de presse-journaliste, nous évoquions fréquemment des anecdotes dont nous avions été témoins. Lorsque j’ai décidé de m’atteler à un roman satirique dédié à l’univers du sport spectacle, il m’est apparu évident que ce roman devait se faire avec Emilie. En outre, elle détenait une foule d’informations relatives à l’intimité, aux sentiments, au comportement des sportifs, dont je ne connais que la façade réservée aux médias.


3. Tant qu’à casser encore, les journalistes véreux et l’attachée de presse hyper-excitée que vous décrivez dans « Je hais les athlètes » sont pures inventions ou existent-ils vraiment dans le monde sportif ?

EP : C’est une fiction... avec un petit fond de vérité ! Mais il n’y a pas précisément une personne qui a exactement son double dans le livre.

PhC : Fiction totale ! Qui pourrait imaginer qu’une athlète dotée d’un potentiel mondial ou olympique se laisse aveugler par un(e) gourou ? Imagine-t-on un sportif mégalomane ? A-t-on déjà vu des parents de sportifs frapper un entraîneur ? Et ne parlons pas des journalistes ! Ils déclinent les invitations aux soirées des sponsors ou alors uniquement pour bosser et boire de l’eau, ils préfèrent en être de leur poche que de gonfler des notes de frais, et ils n’utilisent jamais leur image de vagabond de luxe qui fréquente les grands de ce monde pour draguer. Plus qu’une passion, ce métier est un sacerdoce. Bon, je fait une parenthèse pour les agenciers, qui, eux, sont vraiment là, je suis sérieux), des moines soldats.

4. Pourquoi ne pas avoir débuté le roman par « Toutes ressemblances avec des personnes existantes ou ayant... » ou comme Dan Brown l’a fait « Ces faits sont avérés... » ?

EP : Pas besoin... c’est une fiction !

PhC : Parce que ça sonne tellement faux et invraisemblable que ça va sans dire, que toute ressemblance etc... Ou si peu. Ou alors, c’est vraiment pas de chance !

5. Ne craignez-vous aucune représaille de la part de certaines personnes qui pourraient se reconnaître dans l’un ou l’autre des personnages ?

EP : On n’a pas eu de problème et il n’y a rien de vraiment méchant dans le livre. C’est de l’humour... Les athlètes de l’Equipe de France l’ont lu et ont beaucoup rigolé d’après ce que je sais... Chacun pensant peut-être que c’était l’autre qui était décrit.

PhC : J’ai fui la capitale et j’ai rasé ma barbe. Sérieusement, à part quelques très rares exceptions (deux ou trois pour ce que j’en sais), les consoeurs et confrères ont prouvé que les journalistes ont de l’humour en publiant des critiques plutôt très sympa. Et même si certain(e)s pensent s’y être reconnu(e)s, le bouquin les a fait rire.

6. Comment vous êtes-vous répartis l’écriture ?

EP : Chacun écrivait des bouts d’anecdotes et l’envoyait à l’autre, qui y ajoutait sa sauce...etc... Jusqu’à avoir un chapitre complet. Pour la trame de l’histoire, on s’envoyait des idées par mail. On ne s’est en fait vu qu’une seule fois pour en parler, aux championnats de France en salle d’athlé et on en a parlé seulement 20 minutes dans les tribunes de la salle !

PhC : a priori, les journaleux, c’était moi, les athlètes et les attachées de presse, c’était Emilie, mais il y a eu des mixages, d’autant qu’Emilie a pratiqué les deux côtés de la barrière, et connaît aussi bien les journalistes, que les athlètes. Ensuite, on soumettait notre prose à l’autre par mail et on discutait le bout de gras. C’était plus ou moins long. Comme pour les textes de loi, il y a eu quelques navettes. Lorsque l’un de nous avait une idée, ou était témoin d’un événement (oui, tout est inventé, bon, on va pas insister là dessus), il sonnait ou mailait l’autre et si on trouvait que ça collait, le « témoin » écrivait la scène.


7. Un meurtre dans le milieu sportif, le tout raconté avec un humour corrosif. Lequel des deux a eu l’idée ?

EP : euh... Philippe je dirais ! C’est surtout qu’on aimait beaucoup tous les deux « Je Hais les acteurs » (ndlr : un roman de Ben Hecht porté à l’écran par Gérard Krawczyk) et qu’on a juste fait un peu pareil.

PhC : Je pense qu’on l’a eue ensemble, tout au début. On était parti à compiler de la matière pour un tableau de moeurs, et lorsqu’il a fallu commencer à rédiger, on a été d’accord que ça irait mieux avec une trame. On a décidé de tuer le gourou. Il le méritait, et accessoirement, ça permettait de classer le roman dans un genre littéraire, ce qui simplifie les choses, notamment pour le processus d’édition.

8. Par qui avez-vous été invités au Festival International du Roman Noir auquel participera aussi notre copain et collaborateur Serge Scotto ?

L’association Soleil Noir, organisatrice du Firn, a choisi cette année le thème de la société du spectacle, qui avait été décryptée par Guy Debord et constitue un terreau idéal pour le roman noir, par essence chronique de société. Michel Gueorguieff, président de Soleil Noir, a jugé que le « sport spectacle », qui sert de support à notre roman, s’inscrit dans ce cadre.

9. Finalement, que préférez-vous ? Le milieu littéraire ou le milieu sportif ?

EP : Je ne connais pas le milieu littéraire... !

PhC : Si l’on évoque le « milieu littéraire » germanopratin, étrange soucoupe volante posée sur les ruines culturelles du Quartier latin et peuplée de petits hommes roses et autres créatures indéfinies, je choisis tout de suite de jouer arrière gauche dans une équipe de foot (je déteste le football). Si on accepte de classer le polar (qui n’a rien contre) dans la littérature (qui souvent n’éprouve que mépris agacé pour le genre « populiste »), alors je signe pour la prose. D’un autre côté, j’avais proclamé que les « Athlètes » constituait mon testament sportif, et je viens de rempiler au service du journalisme sportif...

10. Merci à tous les deux et comme c’est la coutume ici, je vous laisse le mot de la fin...

Laissons la à Dickens, dont l’un des personnages souligne que « la haine que l’on porte aux grands est, de la part du peuple, un hommage involontaire ». Sauf que nous, c’était volontaire.

Emilie Poucan et Philippe Carlin, "Je hais les athlètes", L’écailler du Sud. 9,00 €


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Emilie Poucan et Philippe Carlin, "Je hais les athlètes", L’écailler du Sud. 9,00 €


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