L’auteur, Tarik Noui, impressionne, frappe un grand coup avec ce livre court, inclassable et ambitieux. Ni récit, ni pièce théâtrale, ni roman, ni autofiction, "La treille des négriers" est un hymne aux vaincus, un chant mêlé, la revanche de la Poésie, des mots sur la barbarie des temps passés, l’asservissement des peuples, celui des individus nés du mauvais côté du pouvoir.

On assiste ainsi pendant moins de quatre vingt pages à un style d’une grande maîtrise, un rythme magnifique, une langue claire et précieuse et une prose poétique d’une rare puissance évocatrice qui rend hommage à des douleurs séculaires. Extrait.

"Dites-vous bien qu’il n’y a plus de héros mécaniques. De demi-dieu de la technologie. C’est le rebours Moyen-âge. Maintenant, c’est l’artisanat de la douleur qui frappe. Des mains sales éventrent les trains et les métros des cités européennnes. Vos bêtes fantômes meurent et renaissent dressées transfigurées sur les écrans. Légions de coléoptères. Organisation minuscule insectes carapaces. Pour eux, une seule déclainaison possible : habiter à l’intérieur de l’ennemi."

Couverture impeccable, présentation délicate, ce livre est un délice pour les Gourmets de la plus exigeante des Littérature. Hormis la gravité des propos et ce champ ininterrompu ouvert sur le malheur organisé, le drame qui nous est conté, est d’une beauté plastique émouvante et saisissante.

Tarik Noui raconte une histoire éternelle où les voix du Colonel Gaspard Gruber, Nadar Suarès, Théo Théodore et d’autres fantômes, offrent les réminiscences de la colonisation à travers ses affres, ses dérives et ses horreurs quotidiennes.

Ce qui ressort de cet ensemble ? La Langue bien sûr, la langue fantasmée, reproduite, imaginée, traduite par l’imaginaire ou le ressenti. a Langue est au coeur du débat, la Langue des exilés, des déracinés, des apatrides du coeur et du corps.

"La treille des négriers" n’est pas un livre résumable ou racontable de quelconque manière, c’est un ouvrage de résistance qui combat avec ses armes littéraires à lui l’immensité des natures guerrières et des hérésies nauséabondes. Au délà du sang, des rafles, des humiliations et des injures... il est des mots qui sont des monuments historiques.

Un chef d’oeuvre qui rend hommage aux oubliés de l’Histoire bien mieux que n’importe quelle commémoration poussiéreuse.

L’ennemi est vaincu et nous sommes séduits.

A lire absolument, à posséder.

La Treille des négriers, TARIK NOUI, Melville Editeur.