Interview : Raoul Cassard

Interview : Raoul Cassard

Ce plasticien va vous toucher, car son regard sur les choses, les formes et les matières est tendre, respectueux, acéré, original et poétique.
Voici donc un entretien dès plus instructif et revigorant avec Raoul Cassard, en espérant que vous aurez autant de plaisir que moi à entrer dans son univers parallèle dédié à l’Art.. le vrai, celui qui parle au coeur et aux sens.

1. Bonjour Raoul Cassard, j’aime beaucoup ce que tu fais, tes peintures, tes dessins, tes mots, la mise en scène de ton site et Blog. Tu sembles autant aimer les mots que les images dis- moi....

En fait, les mots sont arrivés un peu plus tard. Au début comme une sorte d’exercice de style pour accompagner mes images. Très vite c’est devenu un acte nécessaire comme celui de peindre. Je me suis souvent posé la question du bien fondé de ces textes, de leur pertinence à côté de mes dessins dont la vocation est une approche sans mots, et puis j’ai décidé de considérer cela comme deux entités autonomes et interactives, un couple dont l’un ferait grandir l’autre et inversement.

2. Comment elles te viennent tes "fulgurances" ?

Le chemin qui m’a mené vers ce type de peinture c’est la notion d’impermanence, le changement continuel de notre état. J’ai donc décidé de chasser le temps, de conserver une trace de ces instants mort-nés qui ont chacun leur identité propre. J’ai alors dessiné sans décoller le stylo de la feuille et ceci en toutes circonstances, en attendant quelqu’un, dans la voiture au feu rouge ou pendant un rendez-vous. En tout cas dans une situation d’urgence et d’inconfort m’empêchant de trop "penser" mon trait.

J’ai conservé à peu près six cents dessins issus de cette période. Cela demeure le squelette, la structure de ma peinture, même si aujourd’hui je reviens sur l’instant, je retravaille le temps. La fulgurance c’est aussi le lapsus pictural, un trait qui devient une porte ouverte sur nous-mêmes. Une peinture dont l’erreur, en tout cas l’idée que l’école, l’institution ou nos parents nous ont donnée d’elle, est la source. Je suis un peintre de l’instant pas du hasard.

3. Tu donnes des prénoms à certaines de tes oeuvres... c’est parce qu’elles font partie de ta famille, de tes proches, qu’elles ont une vie autonome en dehors de toi ?

Oui, tous ces prénoms sont des "vrais gens", le point commun est l’amour que je leur porte. Par exemple un diptyque porte le nom de Nicolas et d’Eugénie, Nicolas est mon cousin, il fabrique des sons bizarres bourrés d’électronique, Eugénie c’est la chanteuse d’un groupe breton traditionnel "les soeurs Goadec". J’aime assez envisager leur vie commune.

4. C’est quoi, c’est comment un tableau réussi pour Raoul Cassard ?

C’est quand on peut voir dedans.

5. Quels sont les peintres ou artistes qui t’impressionnent, qui sont des modèles pour toi ?

En fait, je crois avoir été plus influencé par des musiciens, des écrivains ou des poètes que par des peintres, mais ma révélation pour la peinture c’est Dubuffet, ce discours Nihiliste, anar et aussi très bourgeois, j’aime beaucoup, les mots comme les images. Louis Soutter aussi, sa peinture aux doigts, Antonio Saura bien sur, Chaissac qui est un vieil ami, Malevitch aussi, Pollock arrive à me fait pleurer et puis Appel et Twombly.

6. Tu dis "Au rituel, je préfère l’insolence", c’est quoi une oeuvre insolente selon toi ?

J’ai écrit un jour, dans un catalogue d’expo, que je peignais "comme un chien laisse sa trace". Ca n’a pas beaucoup plu.

Pour revenir à la phrase que tu cites, elle fait référence à la calligraphie Zen Japonaise tout en fulgurance mais qui est extrêmement ritualisée et très attachée à l’initiation et au mérite.

Je pratique aussi une peinture du geste et dans une certaine mesure de la non pensée, mais j’ai toujours voulu m’affranchir du cadre, revendiquer une forme d’ignorance, m’éloigner des conventions du peintre. C’est aussi sans doute du à mon peu d’intérêt pour l’aspect "artisanal" et "fabrication" de la peinture.

7. Tu aimes mon ami Arno et mon autre ami Bashung donc tu ne dois pas être un mauvais homme... pourrais-tu me dessiner et me mettre dans ta galerie VIP, cela ferait plaisir à ma mère...

Les mères de mes amis sont mes amies et j’ai donc beaucoup de mal à leur résister, je m’engage donc, non pas à te mettre chez les VIP, mais à baptiser ma prochaine oeuvre (dans le prochain blog) "Frédéric" et ça même Arno et Bashung n’y ont pas eu droit !!

8. La figure "ronde" est récurrente dans ton travail, tu as réussi à savoir pourquoi ? C’est une histoire de matrice ?

Le rond c’est la figure humaine, l’équilibre universel, une tête, deux yeux, une bouche, des narines, des oreilles...des ronds partout. C’est aussi et surtout l’enfermement dans nos carcans éducatifs et sociaux comme la condition du peintre, enfermé dans son support, contraint de tourner et tourner encore sans fuite possible.

Mais il s’agit aussi du rapport du trait et de la forme. Des formes rondes en référence à notre vie sociale fondée sur la séduction et le compromis, c’est la ligne claire, une peinture du "savoir-faire", les traits contenus en elles sont l’incarnation du bouillonnement, des trépidations de notre vie intérieure. Le rond, parfois il contient, parfois pas.

9. Tu écris vachement bien, tu as des romans dans tes tiroirs ?

Non , j’aimerai bien conserver ce format d’écriture, en petits textes libres et indépendants, et le faire exister en tant que tel. Écrire des textes et les faire lire ou chanter par d’autres me plairaient aussi sans doute...un jour.

10. Je te laisse le mot de la fin cher Raoul !!!

En peinture, il ne s’agit pas de choisir, il s’agit de vivre.

Le site artistique de Raoul CASSARD

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