Les Artistes Se Vendent Bien...

Les Artistes Se Vendent Bien...

La spéculation de l’art bourgeois ou la nouvelle vie économique des artistes.
La scène de l’art a toujours été un terrain d’expérimentation où se sont exprimées toutes les recherches et toutes les revendications.

Du Cloaca
de Wim Delvoye à la merde en boîte de
Piero Manzoni , des galeries de sexes crus d’Oliviero Toscani (alliant image publicitaire à contexte artistique) en passant par une polémique mise en scène dans « ART » de Yasmina Réza où un tableau blanc (vierge ?) exulte les passions ; la provocation, le cynisme, la remise en cause et l’ironie du sort des révolutions artistiques, des positionnements novateurs se sont avérés moules féconds des perceptions contemporaines de nos mœurs et visions d’avenir.

L’affirmation du droit à la jouissance, la libération de la femme, celle du corps en général et des pratiques sexuelles font du sexe et des tabous, un terrain exploratoire permanent de formes, de registres, d’attitudes qui sont à la base de notre société moderne (principalement occidentale).
Après les événements déstructurant les acquis, qu’arrivera t-il à l’art ? Du moins, qui sont les artistes de demain ?
Les iconoclastes, aujourd’hui, ne dérivent plus forcément d’une révolte socioculturelle, d’un principe artistique ou d’un collectif underground. Aujourd’hui, on nous vend le « concept », le « brouillon », l’art sauvage. Les Midas touchent leur merde, la transforment en or, et les taux en bourse des galeristes ne dévaluent jamais.

Pour exemple d’une cause possible ?

L’affaire François Pinault, collectionneur averti, une des plus grosses fortunes du pays et un ami personnel de Chirac, (...), Propriétaire des magasins du Printemps, de la Fnac, de La Redoute, de Conforama, de Gucci, Saint-Laurent, Boucheron, Château-Latour, actionnaire de Bouygues (...) amateur d’art, plus particulièrement d’art contemporain (...) les œuvres d’art ne sont pas prises en compte dans le calcul du patrimoine imposable et la fortune du propriétaire augmente en même temps que la cote des œuvres qui, dans le cas de l’art contemporain, est susceptible de grimper très vite.

Pour les anciens Grecs, l’économie était l’art de bien gérer sa maison et sa cité. Aristote pensait que la richesse ne devait être que la limite atteinte pour le bien-être général. Il y a à ses yeux un art naturel d’acquérir des biens pour la communauté politique ou familiale et "la quantité suffisante d’une telle propriété en vue d’une vie heureuse n’est pas illimitée".

Aristote était très sévère à l’endroit de la spéculation, qui lui apparaissait comme un détournement des véritables fins de l’économie. La richesse avait jadis une connotation morale. De nos jours, elle est réduite à l’indice du succès, succès illimité si possible. La frénésie spéculative est si ridicule que le grand économiste John Kenneth Galbraith écrivait récemment ces mots que n’aurait certes pas désavoués Aristote :

"La hausse même des valeurs fait main basse sur la pensée, les capacités mentales de ceux qui en tirent profit. La spéculation achète, au sens strict de ce terme, l’intelligence de ceux qui s’y adonnent."
(Extraits de la spéculation de Jocelyn Giroux dans l’Agora Magazine.)

Chacun peut alors y aller de sa petite année d’études aux Beaux-arts, de son stage Photoshop-infographie et de pratiquer la vente fière de petites idées agréables, souvent référentielles à un quartier de mégapole ou si personnelles qu’elles en sont faussement anti-conformistes, et surtout largement revendicatrices d’un confort d’apparat qu’un fondement créatif. (Il y a même des sociétés qui louent des œuvres d’art aux entreprises)

Evidemment, les commandes des riches familles ont permis à quelques Impressionnistes de toucher du giron ou à quelques SDF de la Factory d’abreuver leur quête d’absolu et bien avant, aux croqueurs de portraits royaux d’acheter leurs huiles ou leur pain.

En guise de principe premier et dans ma vision quasi moraliste d’une artiste frustrée, je ne vois que dans l’acte de créer, la valeur du regard de son créateur.
Indubitablement, manger permet de tenir son pinceau ou sa plume un peu plus fermement.

Incontestablement, chacun son quart d’heure de gloire (Dixit le grand mercantile Warhol), le Pop Art, l’essence Texaco et la télé pour tous, puis l’œuvre minimaliste griffonnée sur du buvard synthétique made in Taïwan à 5500€ hors TVA (l’équivalent des dettes familiales de dix générations d’ouvriers au Pakistan), va falloir se la payer... parce que la révolution, c’est dans le salon qu’elle crève.

Et hors de question d’observer une technique identique à un « génie reconnu » sans se faire courser par un avocat prônant des Copyright sur une ligne droite noire dessinée autour d’un cube.

Inévitablement, mon petit "je" subit le même idéal, l’utopie de la notoriété vagabonde, ne serait-ce que pour croiser Ardisson dans un couloir de back room des Hauts de Seine (92) et dire, « vous savez, je suis écrivain... ». Vanitas, vanitatum, et omnia vanitas (Premiers mots de l’Écclésiaste).

Alors faute de retrouver un Duchamp, un Beuys, un Basquiat dans mes contemplations hivernales, je continue à visiter les musées, à retourner ma veste d’écriture pour une jolie photo (tirée à 5000 exemplaires), ébahir mes yeux devant une toile abstraite monochrome, accrocher une émotion au coin d’une installation vidéo exhibitionniste... et je comble ma biblio-vidéothèque d’un DVD du hautain Chris Cunnigham
et de son Rubber Johnny

(DVD offert par un ami bienveillant de vouloir m’épargner l’achat d’un DVD de 6 minutes à 29€ !!!) avec la jaquette cartonnée, plastifiée, avec les 17 photoshopies glacées de corps mutilés qui contient un clip d’Aphex Twin avec un chihuahua... tout en souriant.

"La seule émulation valable pour l’artiste se trouve dans ce qu’il crée, plus particulièrement au moment même de la création, il s’agit de l’émulation.

Qu’importe que le message ou le non-message soit entendu ou non, qu’importe qu’il soit correctement interprété, qu’importe qu’ensuite les vendeurs de toiles comme de peaux s’en approprient la syntaxe.

Je ne crois pas en cette curieuse idée selon laquelle l’artiste attend du monde.
Car le moment créateur est le monde, est le monde créé par lui-même à l’instant de l’émulation. L’après création, et ses attributs, d’ordre égotique, pécuniaire pour les plus chanceux, correspond au retour dans une sphère plébéienne ; alors que l’instant créateur n’appartient qu’à l’artiste.

Peu importe finalement que les galeristes, que les collectionneurs "spéculent" et "investissent" dans ce qu’ils pensent être des "produits artistiques" ; car leur bêtise, à coté de l’émotion active ressentie par l’artiste au moment de l’émulation créative, ne résonne en rien avec le reste de l’Univers.

Seul l’artiste, et son oeuvre se font entendre ; et il est connu que de tous temps les Marchands ne sont point longtemps les bienvenus..."

Milady Renoir & MozhoruS

Texte accessible également sur Eclipshead

Toutes les humeurs http://miladyrenoir.skynetblogs.be
22 Janvier 2006 http://duos2duels.skynetblogs.be
Autrefois aussi :http://b-i-t-c-h.skynetblogs.be .

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