Interview : Sylvie BOREL, une fille à papa qui s’en serait bien passé...

Interview : Sylvie BOREL, une fille à papa qui s'en serait bien passé...

Fille à papa, c’est pas toujours ça... Il est des
dynasties plus dures à porter que d’autres,des noms
qui vous marquent comme un trou de balle dans la peau
à la place du nombril... Sylvie Borel est la fille du
caïd Francis le Belge, moins connu sous son vrai nom
de Van... quelque chose, d’ailleurs j’ai oublié !
Comme Sylvie ne demande qu’à oublier.

1. Je crois que vous n’aviez pas vraiment l’intention
d’écrire ce livre ?

Il est vrai que la perspective de l’écriture d’un témoignage sur mon passé, ne m’est apparue comme une nécessité qu’aprés le décès de mon père.
En effet je n’avais jamais envisagé cela de son vivant !
C’est aprés une tentative de suicide ayant nécessité une longue psychothérapie au cours de laquelle j’ai fait un retour en arrière et dû travailler sur moi même, afin d’éviter de sombrer dans une dépression sans retour, que
l’écriture est devenue pour moi salutaire, au début sans but précis, par la suite pour exorciser mon passé, et faire la paix avec ce père atypique.

2. Un tel exercice a-t-il défitivement exorcisé la
relation posthume que vous entretenez à présent avec
le souvenir de votre père ?

Ce livre m’a permis de faire une mise au point
avec le personnage public qu’était "Francis le belge", personnage controversé, qui ne correspondait pas vraiment à
l’idée de l’homme "bien" tel que je l’imaginais.
Cela me culpabilisa beaucoup et me perturba tant que j’en vins à détester et à juger ce père que l’on disait mien...L’écriture fut pour moi le seul moyen possible de me réconcilier avec lui en apprenant à me détacher de son emprise morale, et enfin pouvoir m’accepter et m’apprécier moi même. C’est le livre du pardon !

3. Car de son vivant, vos sentiments réciproques furent
très... accidentés ?

De son vivant, nos relations furent rares, secrêtes et souvent escamotées par 11 années de visites-parloirs...Apprendre à connaître un père qui nous impressionne au travers d’une vitre, il n’y a rien de pire, être obligée par celui-ci de vivre cette semi liberté, un week end sur deux, de subir les fouilles corporelles, les barreaux les cris, le doute et la peur de l’inconnu, fut très destabilisant pour l’enfant que j’étais.Vous êtes
brusquement projetée dans le monde des adultes, alors que d’autres jouissent de l’inconscience de leur enfance !

Réaliser à l’adolescence que votre père qui vous refusa dès votre naissance, parce que vous n’étiez pas un garçon, ne vous reconnait toujours qu’à moitié, car il vous trouve un joli visage mais déplore que vous soyez trop grosse ; commence alors une quête incroyable, un combat acharné contre la nourriture afin de plaire à ce père au goût de perfection amère...

Cela commence par la boulimie, puis l’anorexie, jusqu’à 30 ans ; je me fais vomir me détruisant la santé, 5 à 6 fois par jour !! La descente aux enfers, la course à la ligne mannequin à commencé.

Je me sentais prisonnière du regard de mon père, attendant son approbation, qui vint enfin, quelques années avant sa mort.
J’avais la ligne et pourtant mon père ne voulait pas dévoiler mon existence, nous avons continué à nous voir en secret, ce fut aussi très frustrant !
J’ai accepté d’aimer mon père très tard, après qu’il m’ait promis de ne pas faire de mal à ma mère courage, qui avait eu l’audace de le quitter, afin de sauver sa vie et la mienne !!

4. Comment "Le Belge" avait-t-il connu votre maman ?

Mon père et ma mère étaient du même quartier, la Belle de mai, et ils se sont connus à la sortie de l’école. L’année de leurs 16 ans, mon père déclare son interêt à ma mère par
l’intermédiaire d’un copain, il était alors apprenti footballeur à "l’Etoile Bellevue", et il était très prometteur. Il était gentil et timide, ils eurent un simple flirt, puis leurs chemins se séparèrent...Ma mère alla travailler car ses parents adoptifs ne pouvaient lui payer des études plus poussées, mon père devint déménageur, arrêta le foot à cause d’une blessure au genou, et se laissa prendre dans les mailles du milieu...

5. Pour finir par la tromper, très rapidement, et la
battre...

Maman fut sa première victime, victime de son amour pour lui. A 18 ans ils se retrouvent et se mettent en couple. Sa cruauté envers ma mère va augmenter en même temps que son ascension dans le milieu, il a les dents longues et rien ne doit entraver son ambition.. Ni une femme, qu’il fera chanter, violentera à l’occasion, mais surtout étouffera sous les menaces et une emprise morale terrible. Il refusera son enfant, parque ce que ce n’était pas le moment, puis parce que j’ai l’audace de naitre fille ! Par la suite il devient absent, infidèle, mène une double vie sur Paris, avec une ancienne chanteuse sur le retour, et ne respecte
plus rien, ni sa femme ni sa fille. Pour se protéger des balles de ses adversaires, à l’époque Zampa, il se sert de moi comme d’un bouclier humain, car la loi du milieu interdisait de toucher aux femmes et aux enfants !

Nous allions toutes les deux droit à la mort, il fallait un miracle pour nous sortir de ce milieu, dont on ne sort pas, et ce miracle se présenta sous les traits de mon beau père,"mon père de coeur", dont l’amour inconditionnel nous sauva la vie, ce fut une fuite incroyable vers une vie meilleure, ce ne fut pas facile, mais aujourd’hui nous avons une vie normale !

6. Quel regard portez-vous sur le milieu ?

Je n’ai aucune fascination pour le milieu de mon père, je ne le connais pas et ne veux pas le connaître, c’est tout ce que je rejette ! Et je m’attelle chaque jours à être différente de ce qu’était Francis le "Belge" ! J’ai une vie modeste mais heureuse et pour rien au monde, je n’en changerai !

7. Votre père ce héros, ou un looser... fût-il romanesque
 ?

Vu de l’intérieur et le peu que je l’ai connu, lorsque j’étais enfant, le milieu n’a, à mon sens, rien de romanesque, si ce n’est pour ceux qu’ils fascinent, et ce n’est pas mon cas ! Il n’est que larmes et tristesse ! Mon père n’était pas un héros, c’était un bon et beau voyou, il avait choisi sa vie et en a payé le prix fort : sa vie.

8. Quel est votre rapport à cet héritage ?

Etre la fille d’un voyou, ce n’est pas facile à vivre, encore moins à porter, on est facilement assimilée à son géniteur, et certaines personnes, à l’intelligence limitée, vous regardent différemment. Vous faites rapidement le tri dans votre entourage... Faudrait passer votre temps à
vous justifier, parce que vous n’êtes pas responsable des actes de votre père ! Difficile de se libérer du poids de cette culpabilité, mais je me soigne...

9. Quelle question impertinente aurais-je dû vous poser,
si j’étais laurent Ruquier ?

L’émission de Ruquier ne fut pas la plus agréable, donc je choisirai Thierry Ardisson, qui me demanda qu’était devenue "Tati Paulette" (Mon beau père !) ; je vous répondrais qu’il fut le meilleur des papas, qu’il est mon modèle, mon guide, que ma
mère et lui sont mariés depuis 33 ans, et qu’il est à présent le plus doux des papis pour mes deux filles, Justine et Léana.!!!!! Et, qu’il ne se rase plus les avants bras !!!

"Mon père Francis Le Belge", Sylvie Borel, Jean-Claude Lattès

"Mon père Francis Le Belge", Sylvie Borel, Jean-Claude Lattès