Rentrée 2005 : "La peau des autres", Eric Paradisi, Gallimard

Rentrée 2005 : "La peau des autres", Eric Paradisi, Gallimard

Il est des livres d’odeur, d’ambiance et de texture, où les mots posés aux endroits de la page les plus adéquats, les plus judicieux et les plus poétiques forment au final un havre d’émotions globales et sensorielles inoubliables.
Voici un ouvrage que l’on a envie de partager, de conseiller, d’offrir, rien que pour le plaisir, en espérant que l’enchantement ne se rompe pas. Le livre devient ainsi un passeur, stigmatisant autre chose dans sa forme littéraire que de simples syntagmes alignés géométriquement.

L’écrit que nous allons évoquer ici revêt une magie particulière, il aguiche et séduit, ensorcelle sans crier garde. Il devient précieux à son lecteur, il s’insinue dans nos vies, nous accapare dans la plus belle acception de ce terme. Nous faisons corps avec l’œuvre, peau avec les personnages, les décors et les intrigues.

Dans son premier roman « La peau des autres » Eric Paradisi a le don de nous cueillir et de nous emmener dans un microcosme référentiel propre plein de fraîcheur, d’érotisme et d’exotisme où l’amour, le désir, les femmes, la maladie, la séduction, la mort, la figure du père et les bonsaïs jouent les rôles principaux.
Une caméra subjective lie le tout, ce sont les yeux d’un narrateur énigmatique qui sillonnent la ville à la recherche de sentiments nouveaux, dans un naturel déconcertant, sans mensonge, ni trahison.

L’histoire ; un ancien visiteur médical ouvre un magasin de vente et d’entretien de bonsaïs et nous raconte sa vie amoureuse et sentimentale à Paris. Le narrateur nous confie et confesse ses rencontres avec Pauline Huong, une masseuse qui n’est pas une pute, une beauté asiatique dans laquelle on ne jouit pas, et aussi celle avec Paule Clarence, médecin qui vit dans un monde parfait, une sorte de musée sans poussière et sans désordre.

Dans une rythmique impeccablement maîtrisée, entre le chirurgical et la prose poétique, Eric Paradisi, par des phrases courtes et fortes, met en scène un terreau riche de fantasmes, consentement, délice et douleur.

Nous sommes dans un immense vivarium métaphorique et urbain, l’auteur ausculte des vies intimes et personnelles desquelles nous pouvons tirer des leçons universelles et sensitives.
A priori dépouillé et assez minimaliste, le style d’Eric Paradisi fait naître la curiosité et le questionnement perpétuel.

« L’homme est un bonsaï pensant » pourrait être l’accroche de ce roman audacieux, fort bien mené qui, avec son air de ne pas y toucher, parvient parfaitement à ses fins, c’est-à-dire nous intriguer, nous passionner, nous divertir et nous interpeller.

Une vraie révélation de cette rentrée 2005. Un auteur à suivre. En tout cas, nous, on l’a déjà dans la peau !

"La peau des autres", Eric Paradisi, Gallimard (2005), 126 pages, 11 euros

"La peau des autres", Eric Paradisi, Gallimard (2005), 126 pages, 11 euros