Interview : Anne Archet

Interview : Anne Archet

« Dès qu’Annie se retrouva dûment mariée
En l’Église Notre-Dame-des-Constipés,
Elle troussa sa robe jusqu’à son nombril
Présenta son cul aux paroissiens ébahis
Pour que son amant devenu enfin légal
Accomplisse en public le devoir conjugal. »
Voilà un exemple des cris magistraux qu’Anne Archet peut sortir de sa partition . Anne Archet, c’est l’anarchie, le plaisir des mots, le plaisir de lire et de dire. Elle est enseignante à l’université au Canada. Elle est bi : sexe et amour à la fois. Une écriture précise comme la fine plume qu’elle est... Impossible de tout vous dire, il faut la découvrir !

Anne ma sœur Anne...

Tiens, c’est la première fois que je l’entends, celle-là...

Ça ne vous ennuie pas que je vous appelle ma sœur ?

Tant que ce n’est pas « ma révérende mère »...

Quels rapports entretenez-vous avec l’église ?

Des rapports distants depuis mon apostasie. Fut un temps au Québec où le baptême était comme le vaccin DCT : ça venait avec la naissance. Ma mère n’était pas pratiquante pour un sou et était même attirée comme tous ses copains de l’époque par le mysticisme oriental, mais elle n’a pas su résister aux pressions de mes grands-parents, des cathos traditionalistes comme on en retrouve parfois dans les sous-sols de presbytères et les manifs pro-vie.

Heureusement, je n’ai pas été élevée dans la religion et je ne m’en suis jamais souciée jusqu’au jour où je suis tombée éperdument amoureuse d’une charmante jeune femme issue d’une famille catholique pratiquante qui eut tôt fait de renier leur fille et de me traiter de « sale chinoise détraquée sexuelle ». Depuis, je me complais dans le blasphème et l’antichristianisme primaire, ce qui me vaut un volumineux courrier de la part de fanatiques m’invitant avec mots choisis et épithètes fleuries de brûler dans les flammes de la géhenne.

Vous dites dans vos aphorismes « Le bonheur est pour moi d’être entourée de mes livres et de mes chats. Comprenez-vous pourquoi je vénère les pompiers ? ». J’ai pas compris... Vous pouvez m’expliquer ?

On voit que vous n’avez jamais eu la chance de vénérer un pompier. Je vous la souhaite sincèrement.

« Prétendre connaître véritablement un homme sans avoir goûté à son sperme équivaut à juger un vin uniquement par la forme du goulot de sa bouteille. » Pensez-vous qu’il faille également tester la qualité et la fécondité du susdit liquide ? (J’adore suce- dit, désolée c’est hors sujet.)

On a beau se torturer pendant des semaines pour ciseler des maximes lourdes de sens, c’est toujours la stupidité qu’on bave lorsqu’on est fin saoule qui finit par marquer les mémoires et nous coller à la peau.

Pensez-vous qu’il existe une sexualité anarchiste ?

J’ai de la difficulté à trouver un anarchiste avec une sexualité, alors...

Blague à part, je n’aime pas l’expression « sexualité anarchiste », qui me fait trop penser à « science prolétarienne » ou « art aryen ». Les anars se débrouillent comme ils le peuvent avec leur sexualité, avec ni plus ni moins de succès que le commun des mortels.

Par contre, il existe des discours anarchistes sur la régulation sociale de la sexualité, qu’on peut classer en deux grandes catégories.

La première, qui date du début du XXe siècle, est essentialiste et libertaire et fut défendue par des anarchistes comme Emma Goldman et Paul Robin. Pour eux, la sexualité est une fonction biologique dont les aspects négatifs (viol, exploitation sexuelle, prostitution... et mariage) découlent de sa répression. Selon eux, une des assises du patriarcat est la répression de la sexualité, surtout celle des femmes. La construction d’une société libérée des liens de domination hiérarchique passerait donc par la libéralisation totale de la sexualité, qui serait ainsi débarrassée de ses perversions.

La seconde, qui selon moi est moins naïve et plus juste, considère que la sexualité humaine est surtout une construction sociale et qu’à ce titre elle est un des lieux ou s’exercent les relations de pouvoir. Les aspects négatifs de la sexualité ne sont donc pas la simple conséquence de sa répression, mais le résultat de l’oppression patriarcale (mais aussi capitaliste, raciste, impérialiste, hétérosexiste, etc.) envers les femmes en particulier (mais pas uniquement). Par exemple, la marchandisation du sexe (par la pornographie et la prostitution) existe parce que le monde dans sa globalité s’est marchandisé au cours des cinq derniers siècles. En libéralisant uniquement la sexualité, on accentue dans sa pratique les relations de pouvoir inégalitaires au détriment des femmes. Ainsi, il ne peut y avoir de révolution sexuelle sans l’établissement d’une société libérée de relations de domination hiérarchiques (ce qui est le contrepoint de la thèse précédente).

Le Q, Il vous attire ou les deux ou plutôt l’un ou l’autre ?

Que ce soit celui d’un homme ou d’une femme, le Q ne m’attire que s’il s’accompagne d’un I.

Désespérant toutes les femmes et tous les hommes, une rumeur court (vole et me précipite au devant de la mort que les dieux m’ont prédite) comme quoi vous avez une relation stable et fidèle avec une compagne ?

Si on définit la stabilité par la cohabitation et la fidélité par l’exclusivité sexuelle, je dois honnêtement vous répondre non.

Par contre, je suis liée depuis bientôt sept ans par un amour violent et frénétique à une éblouissante créature dont la beauté et la finesse stupéfiante de l’esprit me redonnent quotidiennement une foi minimale dans l’avenir de l’humanité. En ce sens, oui, je suis déjà prise. Désolée.

Les photos sur votre site sont-elles de vous ?

Cette personne, c’est AA pré-cancer. Je suis un peu plus avariée maintenant. Ce qui explique que je fuis maintenant les kodaks comme la peste.

Que pensez-vous des saignements de l’enseigne qui ment ?

C’est une bonne façon de soutirer de l’argent de l’État sans trop d’effort. Je sais, c’est un peu lâche, mais je sais pour l’avoir essayée que la pauvreté inhérente à la condition d’écrivain ne me sied guère. Alors je bourre du crâne à temps partiel, quitte à jouer la rebelle de service du département.

Par quoi, ma chère, très chère Anne, souhaitez-vous terminer cet entretien ?

Terminer ? Parce que c’est vraiment tout ce que vous voulez savoir de moi ? Franchement, je suis déçue.

PS : toute photo ou image que vous nous enverrez pour illustrer l’interview sera la bienvenue

Le monde noyé dans une mer d’images qui fait de moins en moins de sens. Prenons une pause prégnante et savourons la justesse des mots.

Suite à cet entretien avorté, j’ai concocté d’autres questions qui seront, je le souhaite, plus dignes d’intérêt pour cette auteure à rebondissements... Je ferai alors suivre l’interview au Mague.... En attendant, lisez-la directement.

Le site de Anne Archet
Les mots croisés de A.A.

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