Bob Dylan, écrivain

Bob Dylan, écrivain

On trouve parfois au coin d’un bois un sacré bon écrivain. Il appartient bien souvent à la communauté américaine et prend des détours elliptiques pour analyser ses jours anciens. Alors que Bandini était Fante, que Buckowski était Buck, ici Robert Zimmerman est Bob Dylan. La légende du XXème siècle livre au rock n’roll son journal secret .

Ne laissant pas la peine à d’autre d’écrire son épigraphe et le reste, il prend la plume, délaisse un temps sa guitare et rattrape le fil de son existence tumultueuse pour en apporter quelques bribes. Car il ne faut pas s’y tromper, étant le seul maître à bord, il choisit consciencieusement ce qu’il faut dire et ne pas faire. Découpée en 5 chapitres c’est une balade désordonnée (il faut attendre par exemple la page 90 pour analyser en sa compagnie la sémantique d’un nom de scène qui portera au mieux la vedette qu’il veut devenir).

Au fil des pages se dessine un phare de peoples branchés des années 60, microcosme qui allait modifier la face du monde artistique retenue dans un quartier de Big-Apple appelé Greenwich Village. Avec chaleur, compassion et clairvoyance, ce misanthrope saute de ci de là la rivière du plus profond trou du cul du monde, pour passer entre les fourches caudines de l’enfer et du diable installé dans le Minnesota endroit où Boby a vécu avant de franchir le Rubicon que semble être pour lui New-York « l’aimant du monde », seulement enlevez l’aimant et tout tombe.

Et c’est bien là l’essentiel de ce premier volume, alors qu’on attendait une glorification du pape des contestataires on s’aperçoit que le rêve de Dylan n’aura été toute sa vie, que de se situer à des ambitions d’un modeste fonctionnaire. Sortir le chien, aller à des matchs de base-ball, faire des barbecues dans un jardin à l’abri du besoin. N’ayant pas de réel intérêt pour la politique mais glorifiant Robert Johnson bluesman disparu mais au combien important dans son processus créatif de début de carrière tout comme Rimbeau. Ne fuyant pas devant l’obstacle il évoque le pourquoi du comment de ses disques bâclés, de ses frasques calculées dans le but de manipuler et se retrouver à tirer par lui même (et non pas par le diktat de journalistes) les fils de la marionnette qu’il doit présenter au public. C’est en quelque sorte une entreprise de démolition du dieu folk.

Le chapitre « Oh Mercy » qui raconte la prise de conscience de Dylan sur un changement nécessaire dans sa carrière, sa façon d’appréhender une séance de studio et l’affectif qu’il entretient avec certains musiciens tel Daniel Lanois à qui il doit un retour en grâce splendide au milieu des années 80. Tout ce chapitre est excellent, ne demandant aucun saut de page, il décrit à merveille le climat particulier chaud et brûlant (alors que la quasi-totalité du livre qui parle de ses débuts se trouve lui plongé dans un froid hivernal) de la Nouvelle-Orléans tel un auteur réaliste et sur de lui-même quand il grave sur papier ses impressions. Décrivant son insatiable curiosité des livres, de leurs auteurs, quand il appuie sur les mots pour un hommage sincère à Woody Gutherie, on comprend mieux que ce livre ne pouvait pas être banal.

Faire une bonne autobiographie sous le manteau des légendes et des véracités peut s’avérer casse gueule. Quand certains roublards de la plume mettent en scène leur vie en livre rajoutant des faits à leur fables pour mieux la vanter, Bob Dylan ne fait que développer la vérité. Sa vérité. Et c’est tant mieux. La conclusion qui le laisse à la porte de sa signature chez Columbia nous font trépigner en attendant le Tome 2.

CHRONIQUES, Bob Dylan, Fayard

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