Exposition CLEM CROSBY

Exposition CLEM CROSBY

Hartung est comédien, Soulages ennuyeux. Pourtant on retrouve la gestuelle expressive de l’un et la noire intensité de l’autre dans le travail de Clem Crosby. L’Action Painting ? L’artiste londonien ne veut pas non plus en entendre parler, malgré ces tâches de peinture insolites nées par accident aux détours d’une courbe. Une filiation, des références ? Clem Crosby veut croire en la nouveauté de la peinture, et revendique haut et fort son indépendance. Son travail s’avère précisément unique.

out d’abord le procédé : l’artiste peint sur un épais contreplaqué recouvert de laminé, et la grande surface qui s’offre ainsi au regard ressemble d’avantage à une table en formica suspendue qu’à une toile. Pour lui, il s’agit d’en finir avec les supports conventionnels. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’il a longtemps peint des monochromes afin de repartir à zéro, de se débarrasser de tout ce qu’il avait pu apprendre, et de la peinture en général.
La peinture à l’huile, noire, est appliquée directement sur le laminé dont la blancheur et l’effet de transparence font ressortir l’intensité.

Et le corps à corps commence.

Clem Crosby s’acharne sur son œuvre, trace et retrace des courbes qu’il efface au fur et à mesure tant qu’il n’est pas satisfait du résultat : sur du laminé on peut tout effacer d’un coup d’éponge. Des couches s’accumulent donc, et des espaces se creusent. Les noirs s’intensifient ou s’éclaircissent, deviennent parfois transparent et prennent l’allure des ombres d’une vieille photo en noir et blanc. Comme un réalisateur de cinéma, l’artiste a ainsi l’impression de faire des coupes, de réaliser un montage en sélectionnant le plus fort et le plus précis de son geste. Progressivement le tableau se crée, condensé de sa quête, de son émotivité et de sa virtuosité.

A la fin, la forme est là. Tout simplement. Débarrassée de tout le reste, flottante et évidente. Aucune angoisse dans ce travail qui cherche à épurer l’expression, à la refléter le plus fidèlement possible. Aucune mise en scène, juste l’évidence de l’oeuvre.
Et certaines courbes sont naturellement parfaites, certains flous véritablement troublants. La forme, constituée de centaines d’esquisses, de traces, de ratures, est parfaitement contenue, délimité, concentrée.
Démultipliée, effacée, parfois confondue, la forme incarne magistralement ici l’acte, et surtout ses conséquences. Au-delà du geste de l’artiste, s’impose effectivement la négation de ce geste : le procédé de Clem Crosby rend visible l’invisible et engage le peintre avec le spectateur dans une réflexion sur la responsabilité. Sur du laminé, tout peut disparaître...

On pourrait ajouter que Clem Crosby est également musicien, qu’il trouve volontiers son inspiration dans la musique, dans le cinéma (deux de ses toiles portent le nom de réalisateurs : Cassavetes et Visconti) ou dans la littérature (il aime les auteurs de nouvelles : cerner l’œuvre en quelques pages, parler de la vie vite et bien. Précision, concision, pertinence.) L’anglais est aussi féru de calligraphie ancienne et on peut tenter de voir dans son travail une forme d’écriture.

Sur la peinture, on peut de toutes façons tout dire, tout interpréter. C’est ce qui permet de rapprocher l’art de la vérité : on y vient puiser infiniment la matière de nos rêves et celle de la réalité. Ici la force physique que dégage l’ensemble des œuvres est écrasante : le silence s’impose. On voyage dans sa propre intimité.

CLEM CROSBY
Program Gallery
1st Floor, 2 New Burlington Place, London
24 février - 26 mars 2005

CLEM CROSBY
Program Gallery
1st Floor, 2 New Burlington Place, London
24 février - 26 mars 2005