Peer to Peer, maisons de disques, à qui ses derniers sursauts ?

Peer to Peer, maisons de disques, à qui ses derniers sursauts ?

Les maisons de disques se plaignent des programmes de Peer to Peer, argumentant que cela tuera les artistes et la musique puisque les musiciens ne pourront plus gagner leur vie en vendant des disques. C’est risible.

Tout d’abord parce que les artistes n’ont pas attendu que les disques existent pour faire de la musique.

Ensuite, lorsqu’on sait qu’un auteur touche environ 3 %, qu’un interprète touche environ 2 % et qu’un compositeur touche 5 % du prix de vente, on se demande si ces « institutions » sont un réel progrès ou si elles ne profitent pas des artistes pour gagner un maximum de blé. D’ailleurs, en regardant la discographie d’un artiste ou d’un groupe, on constate que les deux ou trois premiers albums sont produits par X, puis que les albums suivants sont coproduits par l’artiste en question ou par un musicien du groupe, comme si, dès qu’elles en ont les moyens, les personnes concernées reprennent le contrôle de leur création, autant dans la confection du produit que d’un point de vue économique.

En fait, les maisons de disques ont commencé à se développer dans les années 60-70, offrant aux groupes et musiciens les moyens, très onéreux à l’époque, d’enregistrer et de presser leurs disques, investissant donc de grosses sommes d’argent et prenant de gros risques, puisque si l’artiste ne marchait pas, ils en étaient pour leurs frais. Ceci explique les pourcentages de répartition de l’argent cité plus haut. Dans les années 80, ils développèrent leurs services de presse avec l’arrivée sur les ondes des radios dites « libres » (la FM) et leurs réseaux de distribution avec le fleurissement des grandes surfaces. Mais parallèlement, ils développèrent aussi les créations musicales rentables.

Ils allèrent dans les boîtes de nuit pour observer les réactions du public par rapport aux accords, aux sons, etc. Ils analysèrent les grands succès pour en extraire les clés de leur réussite, puis montèrent des groupes ou des chanteurs de toutes pièces dans le seul but de vendre. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le « Top 50 ».

Dans leur frénésie de gagner de l’argent, ils ont arrêté de prendre des risques, ne se consacrant plus qu’aux dinosaures ayant fait leurs preuves comme Cabrel, Bruel, Goldman ou Aznavour, ou récupérant, en leur offrant plus d’argent, des groupes qui commençaient à monter chez des petits labels, empêchant par la même occasion ces labels de prendre de l’importance, et donc de proposer autre chose.

Ils ont aussi mis leur formidable machine au service de leurs créations, ou plutôt de leurs créatures, en payant les radios pour qu’elles fassent tourner à outrance les singles, comme un conditionnement forcené du public à acheter leurs disques.

Contrairement aux années 70, où des groupes tels que les Pink Floyd, Led Zeppelin, Jimmy Hendrix ou les Doors côtoyaient Sheila, Aznavour (eh oui déjà) ou Johnny Hallyday et apportaient une diversité de sons et d’émotions dans un paysage musical en pleine mutation, les années 90 se remarquèrent par leur platitude et leur manque d’originalité, conséquence directe de cette politique plus financière qu’artistique.

Seulement voilà. Alors que les maisons de disques installaient leur suprématie sur le monde de la musique, les moyens techniques et médiatiques ont continué à se développer. Aujourd’hui, la diffusion d’informations est quasi gratuite et l’enregistrement d’un disque, à la portée du premier ordinateur venu. On est même en droit de se demander si le disque n’est pas déjà obsolète.

Ce qui est sûr, c’est que le monde de la musique est à nouveau en mutation et que les majors sont devenus des dinosaures incapables de s’adapter à cette nouvelle réalité qui s’installe. On assiste actuellement aux derniers sursauts de la bête acculée. Car le Peer to Peer ne fera jamais disparaître la musique, laquelle fait partie de la vie sur terre. En revanche, il fera peut-être disparaître les majors. Et, vu leur comportement ces dix dernières années, ce n’est certainement pas une mauvaise chose.